Gypsophile

Gypsophile – Chloé Donati

Procédé : une gypsographie (ou plâtrogravure) a fait l’objet de plusieurs tirages avec des peintures de couleurs différentes. Puis ces tirages ont été photographiés un par un et les photos ont été assemblées sur le logiciel Windows Movie Maker, pour en faire un film où la suite de couleurs revient en boucle. Dans la boucle a été intégrée la photo de la pierre qui a inspiré la gravure : une pierre blanche avec l’empreinte d’un fossile en forme de spirale. Avec les changements de couleur qui se succèdent à 8 images par seconde, sur des formes restant à peu près semblables, la gravure prend vie, alors qu’elle n’est que la trace lointaine d’une vie perdue dans la nuit des temps.

Démarche : l’origine de ce travail, c’est donc une pierre trouvée au bord d’une rivière, dans les montagnes. Sur cette pierre, un fossile en spirale. J’aurais pu passer à côté, au milieu de toutes les autres pierres qui bordaient la rivière… Lors de l’atelier gravure, qui était ma première confrontation à cette technique, j’ai spontanément gravé dans le plâtre le souvenir de ce fossile perdu au milieu d’autres formes minérales et végétales, mais cette fois-ci, il était au centre : on ne pouvait plus passer à côté.

Les premières formes de vies apparues sur terre pratiquaient apparemment la gravure sur pierre avec leur propre corps… Les fossiles sont donc, d’un certain point de vue, les premières images, le premier miroir de la vie. Une fois la plaque gravée, je commençai les tirages et, immédiatement, j’eus envie de répéter cette action à l’infini. Comme je n’en avais pas le temps, je me suis servie par la suite de moyens actuels pour reproduire une image en boucle : les photos et le montage.

La création cinématographique, ici par exemple le procédé de l’image par image, dans une démarche non pas narrative mais purement plastique ou poétique, existe depuis un siècle grâce aux cinéastes expérimentaux qui, loin des paillettes du théâtre filmé commercial, ont toujours cherché à faire du cinéma un art autonome, à part entière où, comme dans les autres arts visuels, le réalisme n’est depuis longtemps plus de mise. Voici un hommage à Marcel Duchamp, qui fut aussi un des pionniers du cinéma, avec son film Anemic Cinema, (1926, 16 mm, 18 images par secondes. 8’25), où le mouvement donne aux spirales une profondeur illusoire, sans cesse interrompue par un comique bidimensionnel :

En voyant à quel point Marcel Duchamp s’est amusé à faire un film « anémique » à partir de formes géométriques simples, on peut induire que cette façon d’entrer dans la géométrie intéresserait également des élèves… Ce film a également été tourné image par image.

C’est donc en m’inspirant du modèle libérateur et excentrique du cinéma expérimental que j’ai assemblé les images. Mais je me suis servie d’outils numériques, car ils sont plus accessibles financièrement que le cinéma – d’autant que les formats de cinéma amateur ont presque disparu – et plus simples à diffuser grâce à l’internet. Mais la facilité que nous avons actuellement à reproduire et diffuser nos créations est à double tranchant, car notre univers est envahi d’images et d’informations majoritairement commerciales, et l’ensemble en devient banal, flou, voire invisible. Seuls des liens et des connaissances extérieurs au monde numérique, ainsi qu’une vraie recherche, nous permettent aujourd’hui d’aller voir ce qui vaut vraiment la peine d’être vu.

Pistes pédagogiques : la pratique de la gravure sur plâtre est possible et souhaitable à l’école primaire. La difficulté qui se présente aux élèves peut être celle de l’inversion de l’image. On peut justement utiliser cette difficulté pour un apprentissage de l’écriture en GS et CP, notamment pour les élèves ayant tendance à inverser le sens des lettres ou des chiffres. Ils devront par exemple écrire leur prénom en lettres majuscules, mais à l’envers, sur la plaque de plâtre. Pour cela, ils s’entraîneront au préalable au crayon, sur du papier et valideront eux-mêmes leur modèle à l’aide d’un miroir, avant de graver la plaque.

Je pense que la contrainte de chercher à écrire à l’envers fixera dans leur mémoire le bon sens de la lettre. Ensuite, les tirages des prénoms en plusieurs couleurs pourront être photographiées par les élèves à l’aide d’un appareil photo numérique (ils devront ainsi apprendre à bien cadrer…. il faut s’assurer au préalable que les plaques ont les mêmes proportions qu’une photo). Le montage des séries de photos sera réalisé par l’enseignant ou par les « grands » en cas de classe multicours. La suite des « prénoms qui bougent » pourra être la base d’un film de présentation du groupe-classe, à envoyer par exemple à une classe correspondante par courrier électronique ou cédérom. On pourra intercaler après chaque prénom, un film de l’élève en mouvement (là encore, pour le portrait de l’élève, on pourra avoir recours à l’image par image afin de faire des portraits « robots » : l’élève est déguisé en robot et par conséquent, fait des gestes saccadés…). Quand les deux classes se rencontreront, les correspondants seront sûrement curieux de voir les élèves sans leur déguisement de robot.

Cette première découverte des possibilités de la gravure pourra ensuite trouver des prolongements dans le journal de classe, qui, s’il est édité grâce aux outils numériques, trouvera une originalité visuelle dans l’intégration de gravures pour des petits textes poétiques, des titres ou des illustrations.

Une réflexion sur « Gypsophile »

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