« Sculpte-moi avec une feuille », sculpture en papier, 20x5x5 cm.
Oeuvre-modèle : « Gueule d’amour », Jean Fontaine, sculpture en céramique recouverte d’oxyde de métaux, 250x60x60 cm.
Lors de notre visite de l’exposition « La bête est humaine » à la Briqueterie, j’ai essayé de représenter une œuvre à partir d’une feuille de papier A4. Ceci m’a posé deux problèmes : Comment passer d’un support en deux dimensions à une sculpture en trois dimensions ? Comment faire pour que mon travail ressemble à l’œuvre-modèle ?
Pour mon premier problème, j’ai imaginé à partir de quelle forme géométrique on pourrait façonner l’œuvre-modèle. J’ai donc commencé par faire un cylindre avec ma feuille : je suis passée d’une surface à un volume.
Pour mon second problème, j’ai observé l’œuvre-modèle afin de distinguer ce qui la caractérisait : elle est formée de deux parties : une tête et un début de colonne vertébrale. Sa tête est caractérisée par des dents en pique et des trous pour l’emplacement des yeux. Sa colonne vertébrale est caractérisée par la forme des vertèbres. Ce sont ces éléments que j’ai essayé de représenter sur mon cylindre.
En plus de la contrainte de travailler à partir d’une feuille de papier, j’avais un temps limité pour faire ce travail et une seule feuille, donc pas le droit à une seconde chance. Il fallait que je représente ce que m’inspirait cette œuvre-modèle du premier coup.
A travers ce tableau, Magritte, peintre surréaliste belge, a cherché à représenter de la manière la plus réaliste et la plus fidèle, une pipe. Il a ajouté « Ceci n’est pas une pipe », pour nous rappeler que même si la représentation est la plus fidèle possible, ce ne sera toujours qu’une représentation. C’est en cela que mon travail est analogue à l’oeuvre de Magritte : je n’ai pas cherché à refaire l’œuvre de Jean Fontaine, j’ai tenté de la représenter le plus fidèlement possible avec le matériel que j’avais à disposition. (une feuille de papier et mes doigts).
On peut voir une opposition flagrante entre mon travail et l’œuvre de Magritte à savoir qu’il a représenté un volume sur une surface alors que je suis partie de la surface pour finalement réaliser un volume.
Ainsi, quelque soit notre contrainte matérielle, ce travail autour d’un modèle est avant tout un travail autour de la perception : pour être fidèle à une œuvre, il faut arriver à percevoir ce qui la caractérise.
Pour une transposition didactique, je propose de travailler autour des perceptions des élèves, autour de leur ressenti d’une œuvre-modèle : dessiner (divers supports et outils), sculpter (divers supports et outils), décrire, sentir au toucher, décrire en sons, décrire en gestes, photographier…
Je proposerai la séance d’apprentissage suivante à une classe de cycle 3 en me basant sur le Programme Officiel : « Cet enseignement [les Arts visuels] favorise l’expression et la création » :
Dans un premier temps, je diviserais la classe en 2 groupes.
Je donnerais ensuite une contrainte à chaque élève du premier groupe :
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dessiner avec un crayon gras sur une feuille
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réaliser à partir d’une feuille blanche A4
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écrire
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sentir au toucher : élève en aveugle
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décrire en sons
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décrire en gestes, mimes
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photographier
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dessiner ce que l’on voit à travers un rouleau de « sopalin »
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réaliser à partir d’une feuille de calque et avec deux feutres
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dessiner avec une feuille cartonnée et une paire de ciseaux
Leur objectif, leur consigne serait de travailler autour d’une œuvre en fonction de leur contrainte, afin de décrire l’œuvre au reste de la classe qui ne l’aurait pas vu.
Le groupe serait ensuite en contact avec l’œuvre pendant 20-30 mn dans une salle annexe, proche de la classe. J’aurais choisi l’œuvre de manière à ce que chaque contrainte apporte un éclairage intéressant sur l’œuvre, par exemple une sculpture que l’on peut toucher, qui est en volume et en relief. Dans la mesure du possible, cette œuvre sera l’original. Pour me la procurer, je monterais un partenariat avec le FRAC, le Fond Régional d’Art Contemporain de Bretagne, basé à Châteaugiron. Avec son service éducatif, je pourrais élaborer un projet sur un trimestre ou sur l’année, dans lequel sera inscrit cette situation d’apprentissage.
Simultanément, le second groupe aurait lui aussi reçu les contraintes et travaillerait autour d’une seconde œuvre dans la classe.
Le deuxième temps serait celui de la verbalisation : présentation des différentes réalisations ou descriptions du premier groupe au second. J’inscrirais au tableau quelques mots prononcés par les élèves qui aideront à percevoir, à caractériser l’œuvre ou des termes techniques utilisés pour leur travail.
Dans un troisième temps, le second groupe aurait 10 mn pour essayer de dessiner l’œuvre-modèle du premier groupe.
Il y aurait ensuite verbalisation du second groupe sur leurs réalisations et descriptions de leur modèle puis dessins du premier groupe pendant 10 mn.
Dans un quatrième temps, l’ensemble de la classe observerait le premier modèle et le second groupe essayerait d’exprimer en quoi il ressemblerait ou il diffèrerait de ce qu’il avait imaginé ; s’il avait été à la place du premier groupe, qu’aurait-il fait ressortir de manière différente ; retour sur les mots inscrits sur le tableau pendant la verbalisation. Et réciproquement avec le second modèle.
Ainsi il serait intéressant de montrer aux élèves que le dessin ou la photographie ne sont pas les seules représentations possibles et que parfois ce ne sont pas les représentations les plus fidèles au modèle.
Autre chose intéressante, on pourrait comparer les réalisations ou les descriptions des élèves qui avaient les mêmes contraintes pour un modèle différent : voir s’ils ont travaillé de la même façon ou non.
Enfin, cinquième temps, ancrage artistique : si les œuvres qui en représentent d’autres sont rares à trouver, on pourrait montrer aux élèves des œuvres qui représentent des objets : par exemple, montrer des œuvres d’art qui représentent une pomme.
Accord pour diffusion sur le superblog
Le choix de Magritte était audacieux mais ton éclairage dans l’articulation volume/plan, est pertinent. Les contraintes sont porteuse de sens et mériteraient d’être appliquées l’année prochaine en classe lors du stage !
Quelques points à reprendre:
« Cet enseignement [les Arts visuels] favorise l’expression et la création » : un peu fourre-tout non ? ou à expliciter davantage !
Le groupe serait ensuite en contact avec l’œuvre pendant 20-30 mn dans une salle annexe, proche de la classe ». Quelle œuvre leur présentes-tu (reproduction ou original ?) et comment fais-tu pour te la procurer ? c’est l’occasion ici de citer les partenariats possibles existants ou à monter (cddp, drac, conseil général, frac artothèque…)
Pascal BERTRAND
Vous avez dit qu’on devait se baser sur le Programme pour proposer la situation d’apprentissage. Or dans le tout petit paragraphe des arts visuels dans le BO (cycle 3) j’ai trouvé que c’était la phrase qui correspondait le mieux.
Si vous avez d’autres sources officielles que les miennes, merci de me transmettre leur référence pour que j’aille m’en inspirer !
Céline RAYNAUD