Klein Amandine, Master 1, site de Saint-Brieuc.

Séance d’arts visuels dans le cadre de la galerie à vocation pédagogique de l’IUFM de Saint-Brieuc.

Accueil d’une classe de CE2 du Grand Clos, école de Saint Brieuc, pendant 2 heures.

A) Présentation brève de l’œuvre-clé de la séance :

Cette séance s’est essentiellement centrée sur l’œuvre de Richard Baquié (1952-1996) intitulée Bataille (1989-90). Il s’agira ici de donner un bref aperçu de cette œuvre. Une analyse plus approfondie est en effet présentée dans le dossier pédagogique de Cellul’art.

Bataille est composée d’une série de 24 taches de couleurs variées, se faisant face deux à deux. Initialement de forme carrée, les aquarelles se sont mélangées dans l’espace médian sous l’effet de l’eau, formant une sorte de no men’s land chromatique. On peut observer un texte dactylographié sous chacune des oppositions. Ce texte tient une place très importante dans l’œuvre, puisqu’il guide l’interprétation et le regard du spectateur. Les mots, ici, font sens. En effet, c’est bien le vocabulaire de la guerre qui est mobilisé dans cette œuvre: guerre des couleurs, guerre d’uniformes, manières de drapeaux. C’est donc vers une lecture agonistique de ces événements chromatiques que nous mène l’artiste. Les annotations temporelles (5’, 10’) figurées à côté du texte participent bien de la création du concept d’ »événement ». En effet, une durée palpable bien qu’imprécise leur est conférée (secondes, minutes, heures ?). Au-delà du clin d’œil aux scènes de batailles, sujet très prisé dans l’histoire de la peinture, nous sommes bien là face à un questionnement sur la relation entre le texte et les images. Des interprétations artistiques plus poussées peuvent en outre être mobilisées : réflexion sur le temps et l’espace, sur l’instabilité et l’ouverture poétique.

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Figure 1: extrait de l’œuvre de Baquié, Bataille, présenté à l’envers (photographie de Hugo).

B) Objectifs didactiques choisies.

L’objectif central de cette séance était de faire émerger les concepts de contraires, d’opposition et de fusion, dans l’esprit de l’œuvre de Baquié, c’est-à-dire en lien avec des lettres et des mots.

Des objectifs transversaux ont aussi été abordés, tels que l’éveil de la curiosité, l’ouverture d’esprit, l’attitude à adopter dans un musée, l’utilisation d’outils très variés, la confrontation tactile et visuelle à des matériaux peu communs.

C) Pistes pédagogiques choisies et compte rendu de notre séance.

Suite à la séance précédente, présentée par d’autres membres de Cellul’art, nous avons choisi de structurer différemment les ateliers : tout d’abord un atelier matériau, puis un atelier peinture. Les consignes étaient préalablement écrites sur le tableau, afin que les enfants qui sont davantage visuels –ou moins attentifs- sachent de quoi il en retourne. Chaque partie de la séance était animée par un membre de Cellul’art afin qu’il n’y ait pas de problème d’autorité. En l’occurrence, pour ma part, je me suis occupée de l’accueil et de la présentation des œuvres. Une institutrice spécialisée s’occupait d’un des élèves malentendant.

a) Accueil de la classe, approche et présentation des œuvres (30 minutes).

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L’accueil de la classe s’est effectué à l’extérieur.  Nous avons, comme le groupe Cellul’art précédent, effectué une ronde et nous nous sommes assis dans l’herbe. Puis,  j’ai présenté les membres de Cellul’art de manière générale et introduit  la galerie à vocation pédagogique (« Savez-vous pourquoi vous êtes venus ici ? »). J’ai ensuite questionné les enfants sur les musées en général et les attitudes à adopter au musée (ne pas courir, ne pas toucher …). Une petite partie des enfants avait déjà fréquenté ce type de lieu. Lors de ce premier contact, les élèves nous ont posés  un certain nombre de questions : « C’est quoi une œuvre ? » « Ils sont morts ceux qui ont fait ces œuvres ? »

Peu après cette introduction, nous nous sommes dirigés vers la galerie en rang. Les élèves avaient en effet 5 minutes environ pour observer les œuvres et être capable de donner leur ressenti.  Globalement, les enfants étaient plutôt enthousiastes. Néanmoins, il a fallu rappeler à l’ordre quelques élèves plus turbulents et les réorienter vers les œuvres. Pour ma part, je me suis occupée du guidage informel sur l’œuvre de R. Hains (lire le carton, technique …).

Puis, le groupe-classe s’est assis  autour de l’œuvre de Villeglé, Alphabet.  Nous avons alors pu commencer à discuter des œuvres.  L’idée était de faire émerger les émotions et conceptions des enfants : « Est-ce que quelqu’un peut nous parler de cette œuvre ? »; « A quoi cette œuvre vous fait penser ? ». Il s’agissait d’amener les enfants à lire l’alphabet crypté de Villeglé tout en comprenant les signes (nucléaire…). Cela n’était pas évident, car même si les enfants connaissaient une bonne partie des signes, certains leur étaient inconnus, et il n’était pas possible d’expliquer certaines choses compte tenu de leur âge (sigle de l’anarchisme et du communisme par exemple). Néanmoins, là n’était pas l’intérêt majeur.  Puis, je les ai amené à déchiffrer le mot cryptogramme, en leur narrant une histoire de pirate (le pirate Labuse) afin qu’il comprenne ce qu’est un cryptogramme. Nous nous sommes enfin questionné sur la manière dont Villeglé avait produit cette œuvre, et après émission d’hypothèses, je leur ai expliqué la méthode de l’artiste.

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Nous sommes ensuite passés à l’œuvre de Baquié. Le même dispositif a été mis en place : « Est-ce que quelqu’un peut nous parler de cette œuvre ?» « Qu’en pensez-vous ?» ; « Etes-vous du même avis ? ». Nous avons fait venir un élève afin qu’il lise le texte dactylographié sous deux taches de couleur, ce qui les a mis sur la piste de la guerre chromatique. Les avis divergeaient néanmoins davantage sur l’interprétation de l’œuvre de Baquié : bataille des couleurs ou scènes d’amour, drapeau, uniforme ? Nous avons alors amené l’idée du lien texte et image : si le texte avait été différent, peut-être aurions-nous interprété différemment le face à face des couleurs. Enfin, comme pour Villeglé, je leur ai demandé comment l’artiste avait bien pu faire pour créer cette œuvre. Les avis divergeaient, mais nous sommes arrivés à parler du support et du rôle de l’eau (le terme d’aquarelle a été introduit).

Nous sommes alors montés en salle d’Arts plastiques, après leur avoir annoncé qu’il allait aussi devoir produire quelque chose.

b) Premier atelier : la confrontation aux matériaux et la confrontation des matériaux.

La première consistait en une découverte des matériaux. Ces matériaux étaient tous plus déroutants les uns que les autres. Ils n’avaient en effet pas ou peu d’apparence artistique selon le sens commun : papier journal déchiré, morceau de CD, coton, papier carton, bouchon en liège, sachet de pomme de terre, morceau de sucre, bout de chiffon usagé…   Les élèves disposaient en outre d’un feutre, d’un carton de forme rectangulaire et plié en deux, d’un peu de colle et d’un ciseau.

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  • Choix de deux matériaux.

La première consigne de cet atelier était la suivante : «Choisis deux matériaux qui s’opposent.»  Les enfants, par groupe de deux, devaient en effet choisir deux matériaux. Le critère de sélection était celui d’un antagonisme de ces derniers.

La classe de CE2 que nous avons accueillie présentait plus de difficultés que la classe de la semaine précédente. En effet, lorsque Tiphaine a énoncé la consigne, les enfants ne savaient pas ce que signifiait « opposés ». Certains croyaient que ce terme signifiait « poser sur ». Il a alors fallu leur expliquer. Néanmoins, tout au  long de la séance, certains enfants avaient encore du mal à bien saisir ce concept. On voit bien ici que d’une classe à l’autre, les différences peuvent être grandes. Ceci dit, cela ne faisait que rendre les objectifs de la séance plus pertinents.

  • Choix de deux adjectifs qualifiants les matériaux.

Puis, nous avons tenté d’officialiser ces oppositions, à travers la caractérisation de celle-ci, sur la base de notre exposition « En toute lettres ».

Les enfants devaient en effet selon la seconde consigne, mettre des mots sur ces oppositions :  tels qu’épais et fin, lourd et léger, volumineux et minuscule …  Un seul adjectif par objet devait être couché sur le carton. En effet, nous préférions que les adjectifs soient peu  nombreux afin que les élèves ne perdent pas le fil.  En outre, nous n’avions besoin que de deux adjectifs pour la séance suivante de peinture (afin que la contrainte des deux couleurs soit respectée). Beaucoup de groupes éprouvait des difficultés non pas à caractériser leurs objets, mais à trouver des adjectifs qui soient véritablement contraires, du fait des problèmes de compréhension évoqués précédemment. Un tableau présentant divers adjectifs leur a été présenté afin qu’ils aient une aide.

  • Rencontre plastique des matériaux sur le carton

Enfin, il s’agissait pour les élèves de trouver un moyen  « pour que leurs objets se rencontrent » sur l’espace du carton  plié.  L’idée était de trouver une série de moyens plastiques ingénieux pour que les objets se rencontrent : collage, découpage, fusion, pénétration, mélange…  Cette approche avait donc plus de proximité avec la sculpture qu’avec la peinture. Si nous avions fait l’atelier peinture en premier, il est possible que certains enfants aient pensé à Baquié, et produit des œuvres « à la manière de ». En introduisant les matériaux, nous avons ainsi pu brouiller les pistes.

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c) Second atelier : la confrontation des couleurs.

Pour ce second atelier, les élèves avaient sous la main deux cartons non pliés. Nous n’avons en effet pas choisi de les plier afin de ne pas les inciter à peindre un côté d’une couleur, et l’autre de la seconde couleur.

La contrainte majeure de cette pratique plastique était que les enfants ne disposaient par groupe de deux que de deux couleurs. Ces couleurs devaient être à l’image de leurs objets ou de leurs adjectifs (léger : blanc). Cet atelier se situait donc dans le prolongement du premier.

L’idée principale était de leur faire expérimenter diverses techniques, au moyen d’outils variés : pinceau de taille variée, brosse à dent, fourchette, rouleur à peinture, estompeur, cuillère, sucre, sable … Nous avons utilisé la gouache. Les enfants disposaient également d’un verre d’eau, et d’une palette-assiette.

  • Choix des armes : deux couleurs par groupe (en fonction de leurs objets et adjectifs) ; outils très divers, parfois saugrenus.
  • Rencontre de deux mots et objets à travers deux couleurs.

Les productions ont été variées (certains enfants ont utilisé leurs mains…). L’idée était de proposer deux façons radicalement différente pour se faire se rencontrer les couleurs. Nous n’avons pas choisi de leur donner davantage de cartons (sauf pour ceux qui avaient  terminés avant). En effet, la classe était globalement plus en difficulté que la précédente. Nous avions dans tous les cas choisi de manière préalable cette contrainte, afin que les enfants s’appliquent et se sentent obligés de proposer deux choses différentes (et non 3 productions similaires et une seule différente).

Ainsi, ce n’était pas tant le rendu de la rencontre qui était intéressant, mais les techniques variées utilisées par les enfants.

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d) Verbalisation.

Lors de la verbalisation, les élèves n’étaient plus très attentifs. Une partie avait du mal à écouter ses camarades. Il est probable qu’étant donné qu’ils n’avaient pas eu de récréation, ceux-ci aient été perturbés. Il est possible aussi que la liberté que nous leur avons laissée lors des ateliers de production les ait déstabilisés. Toujours est-il que la verbalisation s’est effectuée : les élèves ont parlé de leur production, des différentes techniques utilisées. Nous n’avons néanmoins pas eu le temps de faire un dernier point synthétique sur « ce que les élèves avaient appris selon eux », ce qui est dommage.

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D) Limites de nos pratiques.

 

  • Différenciation :

Certains élèves étaient plus rapides que d’autres, certains avaient aussi choisi des objets plus ou moins faciles à se faire rencontrer. Aussi, certains élèves avaient terminé avant. C’est pourquoi, compte tenu du nombre d’objets qui restaient sur la table, nous leur avons proposé de compléter leur production avec d’autres matériaux. Dans le cadre du travail sur les matériaux, cette consigne était intéressante, car les enfants expérimentaient davantage de choses. Néanmoins, dans le prolongement pictural, cela a pu poser certains problèmes, car il était plus difficile de faire le lien entre leur première production et la production picturale (deux couleurs uniquement…). Ceci dit,  le bénéfice didactique que constitue cette confrontation au matériau  nous a semblé aussi voire plus intéressante que l’atelier de peinture, plus classique, et les productions effectuées par ces élèves sont vraiment intéressantes.

  • Le problème des deux cartons de l’atelier de peinture.

Nous avons distribué deux cartons lors de l’atelier de peinture. Or, certains groupes d’élèves pensaient que ces cartons étaient individuels (compte tenu du fait qu’ils étaient par groupe de deux).  Certains élèves, malgré nos remarques, ne laissaient tout de même pas leur camarade travailler, ayant l’esprit très individualiste et peu coopérateur. Il semble que cela soit davantage dû à une ambiance de classe, car les élèves de la semaine précédente n’avaient pas présenté ces caractéristiques. Pour remédier à ce problème, il s’agira : soit de proposer un seul carton à la fois (et de ne leur donner d’autres cartons qu’ensuite), soit de proposer cette activité en individuel.

  • Le tableau des contraires.

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Les élèves de cette classe de CE2, on l’a dit, présentaient des difficultés à saisir le concept de contraire. Aussi, le tableau était une aide judicieuse. Néanmoins ce-dernier avait été présenté de manière anarchique. Aussi, pour des élèves qui présentent ce type de difficulté, il aurait fallu présenter le tableau des adjectifs de manière plus simple :

Grand-petit                                   mou-dur

lourd-léger.                              Doux-rugueux.

Brillant-opaque

  • Gestion du temps.

Nous n’avons pas eu le temps d’aller commenter les œuvres de Hains et Belenfant. En effet, même si les enfants devaient produire moins de cartons, ils étaient beaucoup plus lents que ceux de la semaine précédente, plus dissipés aussi (fin d’après-midi).  Nous avons néanmoins préféré verbaliser correctement plutôt que de les amener dans la galerie. Pour une séance entière composée de ces différentes étapes (accueil, présentation des œuvres, atelier matériau et peinture, verbalisation), il nous aurait fallu une demi-heure de plus. C’est pourquoi, nous pensons que l’accueil des classes serait plus commode le matin que l’après-midi.

Somme toute, cette séance a constitué pour nous un exercice intéressant et stimulant, même si le temps de verbalisation à la fin n’a pas été assez long, compte tenu des contraintes horaires.

2 réflexions sur « Klein Amandine, Master 1, site de Saint-Brieuc. »

  1. Analyse rigoureuse, reflet de l’intérêt plastique, de la curiosité intellectuelle et de l’envie d’enseigner manifestés tout au long de l’année.
    Pascal BERTRAND

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