LE MANÈGE ENCHANTÉ
Incitation
J’ai choisi, pour ce semestre de travailler sur le thème de l’architecture en prenant pour incitation « Tour de taille » afin d’interroger la notion d’équilibre / déséquilibre. Comme j’ai eu du mal à trouver un projet cohérent, j’ai décidé de m’inspirer aussi d’une autre incitation : « Chacun son tour » qui m’amenait l’idée d’une ville imaginaire par assemblage.
Matériau : vélo et laiton enrobé
Support : tôle de fer et cornière d’étagère
Outils : poste de soudure (oxygène – acétylène), perceuse, meuleuse d’angle, touret, étau, brosse métallique et toile émeri
Description
Au départ, je souhaitais travailler sur la notion d’équilibre / déséquilibre en utilisant des feuilles d’annuaire. Mais comme ce matériau était beaucoup trop fragile, j’ai décidé d’aller à l’opposé : travailler le fer. L’avantage premier était de pouvoir imaginer une production avec un volume assez important tout en la combinant avec la représentation d’un espace à petite échelle . Je me suis alors rendu chez mon père (ancien mécanicien) et nous avons entrepris de partir de quelque chose d’existant pour le transformer en quelque chose de nouveau, faire du neuf avec du vieux en quelque sorte. Ainsi, nous avons désosser un vélo et construit une fête foraine : la jante devenait la grande roue, les rayons se transformaient en branches d’arbre, le moyeu et un pignon en manège, le guidon en attraction, des morceaux de cadre et de jante en toboggan, etc. Je souhaitais aussi travailler sur la notion d’équilibre / déséquilibre. Nous avons alors décidé de pencher le support afin de meuler et braser les éléments en fonction de l’inclinaison.
Lors du processus de création plusieurs problèmes se sont posés :
– Support : lors des premiers essais, nous avons observé que la tôle de fer qui constitue le support de la production se gondolait avec le poids des différents éléments. Nous avons donc essayer de mieux répartir les forces en adjoignant au support un morceau de cornière qui le traverse en diagonale et dont la résistance est nettement supérieure
– Equilibre : le support étant incliné, comment allions nous faire pour que l’essentiel de la structure soit à la verticale. Si l’un était partisan du calcul de l’angle de coupe à l’aide d’instrument de géométrie, l’autre proposait de procéder par une évaluation visuelle globale et d’ajuster ensuite. Il s’est avéré que la deuxième solution nous laissait plus de marge de manoeuvre, nous l’avons donc adoptée.
– Lors de la verbalisation, nous avons aussi vu que la production soulevait la question du mouvement avec le manège-pignon et le remonte-pente-chaîne.
– Bilan : J’ai beaucoup apprécié travailler sur les notions d’équilibre / déséquilibre, déconstruction / construction, en architecture. De plus cette production m’a permis d’approcher une nouvelle technique qui ouvre vers d’autres possibles : la brasure. Cependant, s’il me semble avoir répondu à la consigne « réaliser une ville imaginaire », j’ai conscience de ne pas avoir respecté la contrainte associée « par photomontage », lui préférant la contrainte « par assemblage ».
Référence artistique
http://pedagogie.ia84.ac-aix-marseille.fr/litt/ecrire/prod-img.htm
Jean TINGUELY, Tricycle, vers 1960
fer, métaux de récupération, 92 x 50 x 52 cm
Centre G. Pompidou, Paris
Argumentation, justification
Dans le droit fil des ready-made de Marcel Duchamp et des Dadaïstes, Jean Tinguely représente le monde citadin tragique, toujours en mouvement dont il détourne les déchets. Il crée des machines et des objets composés de pièces usées ayant comme il dit « une vie antérieure ».
Cette oeuvre a un aspect vétuste et « déglinguée » car elle est composée de pièces ayant déjà servies, usées, rouillées, présentant des traces d’une utilisation antérieure, recyclées en quelque sorte pour former un nouvel objet. Tinguely interroge ici l’émergence de la société de consommation dans la France des années 60 qui ne veut que du neuf et jette à tout va.
Mon choix s’est porté sur cette oeuvre pour plusieurs raisons. En résonnance, ma production est constitué de matériaux identiques (fer essentiellement) et dont le provenance est la même (déchets). A l’ère de la récupération, il m’a semblé intéressant de me pencher sur le devenir des objets, utilisés et vite jetés, et de leur rendre une identité. Ainsi, comme un cercle sans fin, Tinguely fait un tricycle à l’aide de matériaux de récupération, à l’aide d’un vélo je fais une fête foraine et on peut très bien imaginer que quelqu’un utilise ma production pour construire un objet nouveau et ainsi de suite.
Transposition didactique
En plaçant en résonnance de travail de Tinguely et ma production, on peut interroger avec les élèves :
– la notion de déconstruction / construction, c’est-à-dire comment peut on faire pour transformer un objet dont on connaît le signifié en un nouvel objet. Ceci pose aussi la question de savoir quelles stratégies les élèves peuvent-ils mettre en place pour dépassé l’utilisation, le sens, la représentation assignées à un objet.
– la notion de mouvement. On pourrait ici prendre comme oeuvre de référence L’Enfer un petit début de Jean Tinguely, http://www.constellations-festival.com/article.php?id=173. En effet, dans cette oeuvre, si la curiosité pousse le spectateur à s’assoir sur le banc placé devant ce décor funèbre, son poids déclenche une série de mouvements, le banc bascule en avant, en arrière, les éléments de l’œuvre s’activent et font du bruit. Ainsi, il pourrait être intéressant de chercher avec les élèves comment définir le mouvement, comment le représenter, comment fabriquer des machines qui créent du mouvement.
Situation pédagogique
Fin Cycle 2
Objectif de la séance : la pratique artistique portera sur la notion de construction / déconstruction qui devra amener les élèves à détourner l’objet de base pour créer un nouvel objet
Incitation : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme
Consigne : Construire votre monstre avec des pinces à linge
Contrainte : N’utiliser que les pinces à linge et pas d’autres objets. On proposera aux élèves des pinces en bois.
Modalité de travail : il s’agit d’un travail individuel avec, à la fin de la séance, une verbalisation en commun. Peut-être que certains élèves auront l’idée de déconstruire les pinces à linge pour augmenter le champ des possibles.
Evaluation : lors de la verbalisation, les élèves devront pouvoir expliquer s’ils ont respecté la consigne, quels stratégies ils ont mis en place, quel objectif avaient-ils au départ et s’ils y sont parvenus.
Interdisciplinarité : L’idée de transformer quelque chose d’existant en quelque chose de nouveau se prête, me semble-t-il, à divers prolongements. On pourrait,en découverte du monde par exemple, travailler sur la notion de recyclage c’est-à-dire la transformation d’un objet usagé en un nouvel objet utilisable. On pourrait aussi, à la fin du cycle 2, proposer en vocabulaire des jeux simples d’anagrammes permettant, par la déconstruction d’un mot d’en créer un nouveau.
La problématique soulevée de dé-construction /construction est pertinente et en lien avec ton objectif de séance d’apprentissage.
Pascal BERTRAND