Atelier proposé et mené dans le cadre de la galerie d’art à vocation pédagogique
Le projet: Impulsé par notre formateur d’arts visuels, le projet de galerie d’art à vocation pédagogique arrive à nos oreilles de jeunes étudiants-probabo-futur-enseignants en début d’année. Motivés par l’idée de pouvoir révéler, ou du moins appréhender, le sens énigmatique de l’intitulé ‘galerie d’art à vocation pédagogique », un petit groupe d’étudiant se crée : cellul’art.
Objectif officiel de la cellule: Monter une galerie d’art à vocation pédagogique dans l’IUFM de Saint-Brieuc et faire venir des classes d’écoles primaires.
.Objectifs officieux et personnels:
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éclaircir deux termes clés : « art contemporain » et « à vocation pédagogique » à travers une situation pratique enrichissante et motivante.
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participer à un projet collectif et créatif entre deux cours magistraux.
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participer à un « attentat » sur la lassitude du quotidien : transformer un mur blanc en une surface d’exposition
Les lectures de Phillipe Collin (2010), et les rencontres avec le FRAC Bretagne vont nous permettent d’appréhender le rôle et l’intérêt d’une galerie d’art à vocation pédagogique dans une structure autre que le musée « traditionnel ». La réalisation du projet en lui même nous éclairera davantage.
Nous retiendrons quelques idées qui nous parlent :
- rencontrer des œuvres d’art, en vrai
- éveiller l’intérêt, la curiosité, rendre accessible le domaine artistique
- questionner les œuvres
Les rencontres avec les FRAC nous ont permis de découvrir une partie de leur fond dans ce que nous avons appelé « la caverne d’Ali Baba », les coulisses, un lieu où les œuvres ne sont pas exposées mais entreposées. Un lieu qui donne à voir autrement.
Le projet prend forme et la galerie s’intitule « En toutes lettres », en cohésion avec celle du C.D.D.P.. Elle présente Alphabet de J.Villeglé (1996), Silence de Y.Belenfant (1992), Bataille de R. Baquié (1989-1990, USA et Espana de R. Hains (1968-1976).
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Retransmission d’une séance sur la « rencontre des contraires » en écho avec l’œuvre de Baquié
Vingt-quatre élèves de CE2, accompagnés de deux enseignants, sont venus voir la galerie et ont participé à un des atelier préparé autour de l’œuvre de Richard Baquié, Bataille. Cet atelier s’est déroulé en deux temps : la rencontre avec les œuvres et un atelier de pratique. Nous étions trois étudiantes à gérer cet atelier, nous nous sommes réparties sur trois temps d’interventions spécifiques: la découverte des œuvres de la galerie, consignes et déroulement de la séance de pratique, verbalisation sur les productions.
La rencontre avec l’œuvre
La rencontre avec les œuvres étant un moment clé de notre projet, il nous a semblé important de le faire vivre pleinement aux élèves. Pour ce faire, il nous a semblé important de prendre le temps de rendre les élèves disponibles et intéressés par la découverte des œuvres en échangeant sur leurs attentes. Après cette « mise en condition », nous les avons laissés découvrir les œuvres par eux-mêmes. Aux élèves qui semblaient plus distants, plusieurs stratégies ont été trouvées pour les aider à rentrer dans l’activité : se rapprocher de l’œuvre, chercher les détails, trouver le titre, retrouver les lettres de son prénom dans Alphabet, reconnaître des signes, décrypter,….
Œuvre étudiée
Bataille, R.Baquié, 1989-1990, 12 aquarelles, encre sur papier et texte dactylographié, 2 x (36 x 181)
Bataille consiste en douze duo de petites surfaces de couleurs vives accompagnés chacun d’un texte dactylographié, l’ensemble disposé en frise sur deux supports de bois. Les formes, au départ plutôt carrées, ont des limites incertaines et se diluent en partie l’une dans l’autre par l’usage de l’aquarelle, véhicule particulièrement fluide. Les taches colorées obtenues, dans leur aspect informel, se prêteraient à différents registres d’interprétations plastiques ou psychologiques. Dans chacune de ces situations, l’accidentel déclenche une relecture formelle. Fidèle à son intérêt pour les mots, Richard Baquié fait appel à un lexique en partie étranger au contexte pour rendre compte de ces micro-événements chromatiques. Les descriptions successives opposent aux champs colorés ceux d’opérations militaires. Attaque, repli, avance, position, infiltration, mobilisation, occupation, invasion, autant de termes qui définissent le théâtre de manœuvres guerrières tout en désignant avec précision les mouvances à peine perceptibles des flux colorés dans l’instant où ils sont posés sur le papier. Sur un autre plan, les scènes de bataille ont toujours été un sujet classique de la peinture d’histoire. (FRAC Bretagne)
Autour de cette œuvre, plusieurs questions ont été posées :
Qu’est ce qu’on voit ?
À quoi est ce que ça vous fait penser ?
Qui est l’auteur ?
Quelle technique a-t-il utilisé ?
Quel est le titre?
Qu’y a t-il d’écrit ?
…
Paroles d’élèves et pistes qui en découlent :
« ça parle d’amour » : discussion autour du titre, la rencontre des couleurs
« les couleurs c’est les maillots des deux équipes qui s’affrontent » : comment est-ce que les couleurs s’affrontent dans l’œuvre de Baquié ?
« Il y a de l’eau au milieu » : la technique de l’aquarelle, la rencontre des flux
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Atelier autour des contraires qui se rencontrent (1 h)
L’œuvre offre différents axes à explorer. Nous choisirons une transposition didactique sur les notions de contraires et de la rencontre des matières. Pour cela, nous avons proposé un atelier que nous découperons en deux temps :
- La rencontre d’objets/matières contraires
Consigne : » Trouvez deux matières ou objets qui s’opposent et dites en quoi est-ce qu’elles s’opposent »
- La rencontre des objets à travers la peinture
Consigne : » Faites rencontrer vos objets à travers la peinture »
Pendant l’atelier, les élèves sont par deux, ils disposent de cinq cartons pliés en deux. Ces cartons seront les supports de leur travail tout au long de la séance. Ce format a été choisi pour rendre leur travail présentable, transportable et comparable.
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Mise en place de l’atelier
La mise en place de l’atelier a été conçue de telle sorte que les binômes aient cinq cartons chacun.
Des matières et objets aussi divers que possibles ont été placés sur deux tables, de sorte que chaque binôme puisse voir et accéder aux objets.
Une collection de mots relatifs aux différents types de matières ont été écrit sur un tableau. cette collection servira de ressource pour les élèves. Certains mots sont mis en scène par leur typologie évocatrice.
Un coin peinture est aménagé en dehors des tables des élèves. Il est prévu que les élèves viennent y faire leur « marché ». Ils y font des mélanges, et trouvent le matériel nécessaire : chiffons, rouleaux, pinceaux, gobelets de rinçage, barquette pour les mélanges de peintures.
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La recherche de matériaux qui s’opposent
La notion de contraire n’est pas évidente mais elle est connue par les élèves . Le tableau leur sert de lieu ressource et certains contraires sont trouvés par les élèves sans se référer au tableau, ce qui complète la collection. Ici, tous les sens peuvent être mis en éveil pour caractériser les matériaux : bruyants/silencieux, dur mou, épais/fins, coupant/non coupant, lisse/rugueux…
Un temps de verbalisation collective permet de présenter ses trouvailles et de rendre compte de la variété de contraires possibles.
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La rencontre à travers la peinture
carton 1 : contours, formes fermées, séparation, réserve : « bagarre »
carton 2 : rencontre au doigt, glisser, poser : « amoureux »
carton 3 : entourer les formes par l’autre couleur: » couleur mélangée »
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La consigne n’est pas évidente et demandera à être reformulée plusieurs fois. Certains ont essayé de rapprocher au mieux les deux couleurs de leurs objets, ce qui a entrainé un nouveau domaine de recherche. Bien que ne faisant pas partie de notre objectif, il était intéressant d’encourager les élèves dans cette recherche. Un binôme a dû chercher les nuances de blancs, un autre était spécialement fier de leur vert clair. Cette étape, nécessaire à l’activité, est ressortie comme un temps d’apprentissage lorsque les élèves ont fait le bilan de ce qu’ils ont appris.
Les élèves ont cherché, testé, manipulé différents procédés pour que les matières se rencontrent. Ils ont utilisé différents outils (cuillères, fourchettes, pailles, doigts, pinceaux,…) et différents gestes (gratter, superposer, saupoudrer, écraser, pencher, faire glisser, entourer, …)
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Verbaliser, échanger, argumenter, partager, s’ouvrir
Le temps de verbalisation qui a suivi a permis a chaque binôme de mettre en mots leurs expériences et/ou de retranscrire leurs intentions. L’adulte les encourage à parler de leur travail et à justifier leur choix. Ce temps a permis de rendre compte de la diversités des procédures et d’ouvrir sur de nouvelles possibles et non expérimentée pendant las séance.
Les diverses rencontres présentées suggèrent des histoires que les élèves sont alors invités à imaginer et partager.
Nous faisons ensuite le lien avec l’œuvre de Baquié en remarquant que son travail porte sur le lexique de la guerre à travers le commentaire de la rencontre de deux tâches d’aquarelles.
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Bilan
La mise en place d’une séance et son application a été une expérience formatrice car elle permet d’appréhender de façon concrète les réalités du terrains et de donner place à ce qui pouvait être considéré comme de l’ordre du détail, notamment dans la mise en place de la classe. Nous noterons cependant que la situation s’éloigne fortement des conditions de classe réelle par le nombre d' »encadrants », le temps de préparation et de rangement. Les travaux des élèves, leur investissement pendant la séance et leurs retours au moment de la verbalisation permettent de faire un bilan plutôt positif de cette séance au vu des objectifs que nous nous étions fixés. Notons que les élèves semblaient bien préparés à cette sortie par leur enseignant.
Investissement et réflexions remarquables tout au long de l’année.
Le compte-rendu particulièrement détaillé est révélateur de cet engagement.
Pascal BERTRAND